Depuis trois ans, je traverse les écoles de la région marseillaise pour sensibiliser les plus jeunes aux dangers liés à la surexposition des écrans.
Voici un exemple type d’interaction que j’ai déjà eu des centaines de fois :
Est-ce que tu peux me partager une passion qui n’implique pas d’écrans ?
Mmmm. J’en ai pas en fait. Je suis tout le temps sur les réseaux.
Tout le temps ? Allez, il y a bien une chose que tu aimes faire à part ça non ?
Non, pas trop.
Fortnite, Tik-Tok, Roblox, Snapchat… Voilà les principales activités numériques des jeunes aujourd’hui. Sauf que ces plateformes et ces jeux-vidéos sont tellement addictives qu’elles éclipsent souvent les activités physiques et incarnées, qui se déroulent donc dans le monde réel.
Dans son essai “La génération anxieuse”, le sociologue Jonathan Haidt suggère que “nous avons surprotégé les enfants dans le monde réel, et les avons sous-protégé dans le monde numérique”. Malheureusement, mes observations de terrain rejoignent complètement ce constat !
Aujourd’hui, nous confions à des enfants de cinq ans des smartphones, qui sont une porte ouverte à internet, aux jeux-vidéos et aux réseaux sociaux. Autrement dit, nous les laissons libre de mouvement dans ce qui constitue un véritable far-west numérique, un monde dépourvu de lois.
Par la même occasion, nous avons contraint le mouvement des enfants dans la vie réelle. Les villes sont optimisées pour la circulation des voitures, qui amènent du danger à chaque coin de rue. Les écrans publicitaires géants font la promotion continue de junk-food. Les médias, en amplifiant chaque fait-divers sordide, contribuent à l’érosion de la confiance dans la société, et nous préférons garder les enfants à la maison. L’école reste une institution extrêmement sédentaire, dans laquelle on nous apprend à discipliner notre corps pendant des heures en l’immobilisant sur une chaise.
On tient donc là un “orage parfait”, et une bombe à retardement sanitaire. Comme l’exprime le médecin François Carré, les jeunes d’aujourd’hui sont en train de “préparer leur infarctus”. Alors que les vidéos Tik-Tok défilent à toute vitesse, le corps des enfants reste tragiquement immobile ! Selon l’OMS, plus de 80% des jeunes dans le monde n’atteignent pas les niveaux d’activité physique recommandés.
Comme on l’a vu, cette crise de la sédentarité chez les enfants est multi-factorielle, et nécessite donc non pas une, mais plusieurs propositions afin de l’enrayer.
Concernant les écrans et la sédentarité des jeunes, voici quelques pistes de solution :
Retarder l’âge d’accès au smartphone
Pas de smartphone avant le lycée, cela ressemble à un objectif pertinent. Un enfant n’a pas besoin d’avoir smartphone ! Si on souhaite le contacter pour des raisons de sécurité, on peut toujours lui confier un “dumbphone”, autrement dit un téléphone sans accès à internet.
Le hic, c’est la pression sociale : “mes amis ont un iPhone, pourquoi pas moi ?”. Il n’y a pas de formule magique à ce problème. Néanmoins, des initiatives comme le Pacte Smartphone accompagnent les parents pour les aider dans cette démarche de déconnexion.
Si vous souhaitez discuter de ce sujet en famille ou entre parents, vous pouvez vous inscrire au Sommet de l’Attention, une série-vidéo qui évoque ce sujet, et qui se visionne en groupe (certes sur un écran, mais c’est pour la bonne cause) !
Montrer l’exemple
Là réside une difficulté importante : les parents sont tout aussi accros que les enfants ! Et les enfants sont des machines à imiter.
Pire, lorsque l’attention des parents est indisponible pour leurs enfants (puisque happés par les écrans), les plus jeunes vont naturellement se tourner, eux aussi, vers les écrans. Je ne compte plus le nombre de témoignages d’enfants m’expliquant que leurs parents, ainsi que leurs frères et soeurs, ne souhaitent plus jouer avec eux. Alors, les adultes doivent faire leur auto-critique, et montrer l’exemple !
Suivre la règle des 4 PAS
Pas d’écrans :
le matin
pendant les repas
le soir
dans la chambre à coucher
Si cela vous semble trop dur, vous pouvez par exemple commencer par interdire les écrans dans la chambre à coucher. La chambre doit être un sanctuaire pour l’attention des enfants (et la vôtre). Et les études montrent qu’avec un sommeil de meilleure qualité (donc sans écran), on a plus de motivation pour s’investir dans des activités physiques et du sport. Tout est lié !
Proposer des alternatives
Comment les enfants occupaient leur temps par le passé ? Les smartphones existent depuis seulement quelques années, et pourtant nous avons le sentiment qu’ils ont toujours existé !
Lorsque je termine un atelier avec des collégiens, nous co-construisons une liste d’activités qui peuvent remplacer le temps d’écran. Et forcément, cette liste est aussi longue que riche, et autrement plus stimulante que le scroll sur les réseaux sociaux !
Un défi collectif
Si toutes ces idées peuvent s’avérer utiles, il ne faut pas se leurrer : la sédentarité numérique des enfants est un enjeu collectif. C’est tout notre mode de vie qu’il faut repenser : régulation des plateformes numériques pour les rendre moins addictives, interdiction des écrans publicitaires faisant la promotion de séries télé ou junk-food, réforme du système éducatif pour faire de la place au mouvement… Mais le simple fait de vous intéresser à ce sujet est un pas en avant, et en prépare peut-être d’autres…
Pour une analyse plus exhaustive du sujet, rendez-vous le 25 septembre pour la publication du livre La chaise tue !
Internet est certainement l’une des meilleures inventions récentes et le smartphone la pire