Est-ce que nos meilleures idées viennent en marchant ?
La pensée divergente, les "chemins de pensée" et des routines à mettre en place
Dans ce tout premier épisode de la newsletter La chaise tue, on va parler des liens surprenants entre marche et créativité.
Qu’étiez-vous en train de faire la dernière fois que vous avez eu une bonne idée ?
L’idée qui vous débloque dans vos études ou votre travail ou vos créations artistiques
L’idée du cadeau parfait pour un proche, d’une destination pour votre prochain voyage ou d’une recette de cuisine
Et même l’idée qui peut changer une vie, l’idée d’une reconversion pro, d’un projet à lancer ou d’un livre à écrire
Selon les auteurs de cette étude, il est très probable que cette idée soit apparue pendant que vous étiez en train de marcher.
Via l’écriture du livre “La chaise tue”, nous explorons les conséquences du temps passé assis sur une chaise sur notre santé physique, mentale, sociale, et aussi sur notre créativité.
Depuis que nous écrivons ce livre avec Victor Fersing, nous jouons à un petit jeu. À chaque fois que nous rencontrons des personnes très créatives, nous leur demandons d’où viennent leurs meilleures idées. Marcher revient très souvent dans leurs réponses.
L’histoire est remplie d’exemples de grands penseurs qui ont trouvé l’inspiration en marchant, notamment chez les philosophes :
Kant, surnommé “l’horloge de Königsberg”, faisait tous les jours une promenade à 17 heures avec systématiquement le même parcours. On dit qu’il n’aurait manqué que deux fois ce rituel dans sa vie…
Rousseau qui déclarait “Je ne puis méditer qu'en marchant ; sitôt que je m'arrête, je ne pense plus, et ma tête ne va qu'avec mes pieds”.
Le philosophe allemand Nietzsche va encore plus loin puisque pour lui “Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose !”
Et ça ne se limite pas aux philosophes. En creusant le sujet, j’ai trouvé des dizaines d’exemples d’artistes, d’écrivains, de docteurs ou d’entrepreneurs qui ont eu leurs meilleures idées en marchant.
Mieux encore, je suis tombé sur des recherches scientifiques sur la connexion entre mouvement et créativité.
Dans cet épisode, on va donc aussi parler de science, mais je préfère vous avertir car on peut vite faire raconter tout et n’importe quoi à une étude scientifique. Premièrement, quelles sont les sciences qui étudient la créativité ? On peut se pencher sur :
La psychologie cognitive : l’étude des processus mentaux impliqués dans la créativité comme la pensée divergente, la résolution de problèmes, l'imagination et les associations d'idées.
Les neurosciences : l’examen des mécanismes cérébraux à l'œuvre pendant les moments créatifs, notamment via l'imagerie cérébrale. Elles ont permis d'identifier certaines zones du cerveau particulièrement actives lors d'activités créatives, comme le cortex préfrontal.
La psychologie sociale : comment l’environnement ou les interactions sociales influencent la créativité
Ou encore la psychologie comportementale, de sciences de l’éducation et de philosophie
J’ai sélectionné des études qui bénéficient d’une certaine reconnaissance scientifique. Elles ont suivi une méthode (avec des hypothèses, des expériences contrôlées, des mesures), leurs résultats sont reproductibles et leurs données sont quantifiables (par exemple : le nombre d’idées générées en une heure de marche).
Néanmoins, n’oublions pas que la complexité du comportement humain rend très difficile l'isolation parfaite des variables. N’essayons pas de nous transformer en robots qu’on peut analyser de A à Z ! Les résultats peuvent varier selon les contextes culturels et individuels. Il n'y a pas de formule magique qui marcherait pour tout le monde. La preuve parfaite n’existe pas. Si les liens entre marche et santé physique (obésité, maladies cardiovasculaires) ont été étudiés par des centaines de chercheurs qui sont parvenus à un large consensus, on trouve moins d’études sur l’impact de la marche sur la créativité.
J’aborde cette exploration comme un journaliste qui cherche à comprendre à partir d’une question : est-ce qu’un certain type d’activité cérébrale n’est activé que par la marche ? Quand on creuse cette question, on tombe très vite sur les travaux de nombreux neuro-scientifiques, comme le chercheur colombien Rodolfo Llinás qui l’affirme : “nous pensons parce que nous bougeons !”
Pour Llinás, la capacité de se déplacer est l'une des fonctions les plus fondamentales du système nerveux et a joué un rôle crucial dans l'évolution de nos cerveaux.
Allons découvrir ce qu’il en est, en commençant par un retour aux bases de la créativité.
La pensée divergente, source essentielle de créativité.
Dans notre culture, on trouve deux grands mythes autour de la créativité :
Le mythe du génie inspiré : c’est l’image de l'artiste attendant patiemment l'illumination divine, le fameux "Eureka !". Comme si la créativité était un éclair imprévisible qui frappe au hasard.
L'approche du labeur acharné nous conseillant de nous asseoir à notre bureau tous les jours, inspiration ou pas, et de travailler, travailler, travailler. Les routines seraient ici la clé.
Pour aller plus loin que ces mythes, on peut partir des deux grandes approches pour résoudre un problème.
Quand vous devez résoudre un problème, votre cerveau a le choix entre 2 types d’approches.
Approche 1 : la pensée convergente. Vous concentrez toutes vos forces à trouver et à appliquer la meilleure solution.
Imaginons que je sois en train d’écrire un livre, un roman. En pensée convergente, je me concentre à fond pour trouver la meilleure psychologie pour chaque personnage.
Approche 2 : la pensée divergente. Votre cerveau imagine toutes les solutions possibles pour déceler de nouvelles possibilités.
Si je prends l’exemple de l’écriture de mon roman, en pensée divergente, j’explore plein de pistes possibles, j’imagine toutes les psychologies possibles pour un personnage donné.
Écoutons Anne Manning, professeur à l’université d’Harvard, qui présente la pensée divergente et rappelle qu’on la délaisse trop souvent au travail :
Aller chercher toutes les solutions possibles, c’est pourtant une des bases de la créativité.
Prenons quelques exemples :
Pablo Picasso qui générait des dizaines d'esquisses, explorant différentes décompositions possibles des formes. Les archives montrent qu'il a produit plus de 147 études pour "Les Demoiselles d'Avignon", testant de nombreuses compositions et styles différents.
Thomas Edison qui, pour inventer l'ampoule électrique, a testé plus de 6 000 matériaux différents comme filaments potentiels. Ou son concurrent, le génie serbe Nikola Tesla qui a dû tester plus d'un millier de combinaisons différentes de gaz, pressions, électrodes et fréquences électriques avant de réussir à développer un prototype viable de lampe fluorescente dans les années 1890.
Les artistes de Walt Disney qui, pour chaque scène d'un film d'animation, produisaient des centaines de croquis explorant différentes expressions faciales, poses, angles de caméra et compositions possibles.
L’écrivain Bernard Werber qui a réécrit le manuscrit de son premier succès Les Fourmis, 12 fois avant d'arriver à la version finale. À chaque réécriture, il explorait des points de vue narratifs différents (parfois centré sur les fourmis, parfois sur les humains), des structures narratives variées (linéaire, fragments, parallèle), divers tons et styles d'écriture. Il ne se contentait pas de corriger ou d'améliorer - il réinventait complètement son récit à chaque fois. Werber ici ne cherche pas immédiatement la "bonne" version, mais explore systématiquement un grand nombre de possibilités avant de converger vers la version finale. Cette technique est devenue sa marque de fabrique.
On comprend donc qu’à côté de l’expertise technique ou de la pensée associative, la pensée divergente fait partie des bases de la créativité. Mais quel est le rapport entre la marche et cette manière de pensée ?
La marche active la pensée divergente
Revenons ici en détails sur l’étude intitulée Donnez des jambes à vos idées : l’effet positif de la marche sur la pensée créative mentionnée en introduction.
Les chercheurs ont tenté de répondre à cette question : sommes-nous autant créatif quand on est assis que quand on marche ?
Dans cette expérience, des chercheurs ont recruté des étudiants en psychologie. On leur a présenté un objet du quotidien - par exemple, un pneu. En quatre minutes exactement, ils devaient imaginer toutes les utilisations possibles de cet objet. Plus ils proposaient d'idées originales et variées, plus leur score de pensée divergente était élevé. C'était un exercice de créativité contre la montre.
Chaque participant a relevé ce défi deux fois : une fois confortablement assis au bureau, et une autre fois en marchant sur le tapis roulant.
Les résultats sont sans appel : la marche a augmenté la créativité des participants de 81% !
C'est comme si le simple fait de mettre un pied devant l'autre avait libéré leur imagination. En marchant, les participants ont trouvé presque deux fois plus d'utilisations pour les objets qu'en restant assis.
La marche a activé la pensée divergente.
Mais il y a une autre question qui vient. Ok, marcher augmente la créativité, mais est-ce que tous les types de marche se valent ? Marcher en ville, marcher à la salle, faire une randonnée ?
Et bien, toujours dans cette même étude, les chercheurs ont creusé la question.
Ils ont recruté 40 adultes et ont conçu 4 environnement :
Assis sur une chaise en intérieur (le classique, celle sur laquelle vous êtes peut-être en train de lire cet épisode : si c’est le cas, allez vite marcher après la lecture !)
Assis dans un fauteuil roulant en mouvement à l'extérieur
Marche sur un tapis roulant en intérieur
Et enfin, la marche en extérieur (le grand air)
Puis ils ont fait passer un autre test aux participants, le "Barron's symbolic equivalence task", qui teste la pensée divergente des participants. Imaginez-le comme un jeu d'analogies pour cerveaux en ébullition. On vous donne une phrase comme "une bougie brûle faiblement", et vous devez trouver des analogies. Plus vos analogies sont originales et profondes, plus votre score est élevé. Il ne s'agit pas simplement de décrire la bougie ou de trouver des synonymes. Vous devez trouver des situations, des images qui capturent l'essence de "une bougie brûle faiblement", par exemple :
"Un vieil homme chuchote ses derniers mots" ou "Le soleil se couche sur une plage déserte"
Pas si simple que ça !
Et bien, les résultats sont clairs : la pensée divergente est plus stimulée par la marche en extérieur que par la marche en intérieur. Pour faire jaillir de nouvelles idées, rien de mieux qu’un grand bol d’air frais.
L’étude indique également que la marche améliore radicalement les scores de pensée divergente, mais n’a pas d’effet sur la pensée convergente.
Invention du Velco, “Thinking Path” et réunions en marchant
Ces résultats, bien qu'ils mettent en évidence une tendance statistique significative sur notre échantillon, ne permettent pas encore d'établir une loi générale.
Mais alors, pourquoi donc la marche active-t-elle la créativité et la pensée divergente ? Les chercheurs concluent cette étude en formulant différentes hypothèses, tout en prenant des pincettes.
La marche pourrait améliorer l’humeur des participants et donc augmenter leur créativité. La marche pourrait également renforcer la connexion entre certaines zones du cerveau, ce qui est également soutenu par cette autre étude.
Enfin, la marche pourrait faciliter l’activation de la mémoire associative, qui est définie comme la capacité d'apprendre et de se souvenir de la relation entre des éléments sans rapport.
Si nous n’avons pas encore trouvé une loi aussi certaine que la gravité pour décrire les liens entre marche et créativité, on peut par contre plonger dans l’histoire pour s’inspirer.
Voici mes 3 exemples préférés :
L’invention du Velcro. En 1941, un ingénieur suisse, Georges de Mestral, part en promenade avec son chien dans les Alpes. Au retour, il remarque que des plantes (des bardanes) sont accrochées à son pantalon et au pelage de son chien. Intrigué, il examine ces plantes au microscope et découvre de minuscules crochets sur leurs graines. Il a alors l'idée d'un système d'attache réutilisable basé sur ce principe.
Il passe plusieurs années à développer son invention pour finalement déposer un brevet en 1955 pour un "textile à fermeture par formation d'une pellicule d'adhérence". Le nom "Velcro" est créé en combinant les mots "velours" et "crochet". Depuis, on trouve du Velcro partout, dans les combinaisons spatiales et l'équipement des astronautes, comme alternative aux boutons et fermetures éclair, dans l'univers médical pour des bandages par exemple ou encore dans les chaussures de sport.Le "Thinking Path" (chemin de pensée) de Charles Darwin, le scientifique qui a proposé la théorie de l'évolution par sélection naturelle. Darwin avait spécialement créé un chemin de gravier autour de sa propriété de Down House dans le Kent. Le parcours faisait environ environ 400 mètres et Darwin y marchait plusieurs fois par jour, généralement cinq tours chaque matin et chaque après-midi. Il plaçait des petits tas de silex au début du chemin et en retirait un à chaque tour, pour pouvoir se concentrer sur ses pensées sans avoir à compter les tours. Il avait choisi spécifiquement ce tracé car il offrait différentes vues et ambiances : parties boisées, zones ouvertes, variations de terrain. Il utilisait ce temps pour "expérimenter mentalement" ses théories, se posant des objections et tentant d'y répondre.
Son fils Francis Darwin a écrit que c'était sur ce chemin que son père a résolu certains de ses problèmes scientifiques les plus complexes. Les archives montrent qu'une grande partie de "L'Origine des Espèces" a été pensée lors de ces promenades quotidiennes. Le chemin existe toujours aujourd’hui, on peut le visiter et marcher dans les pas de Darwin…Les réunions en marchant de l’entreprise IDEO intitulées “Comment pourrions-nous ?”. IDEO est une entreprise de design et d’innovation célèbre pour avoir conçu la première souris Apple. Elle bosse sur de très nombreux projets et est connue pour ses méthodes créatives. Une d’entre elles réside dans l’aménagement de leurs bureaux avec des zones ouvertes comprenant des “chemins de réflexion” où sont affichés des tableaux blancs permettant de noter ses idées pendant qu’on marche. Le livre “Make Space” décrit leur utilisation de l’espace physique pour stimuler la créativité.
Comment s’en inspirer concrètement ? Je vous propose 3 exercices :
La marche avec carnet et stylo.
Le test des déclics. La semaine prochaine, ne changez rien à vos habitudes de marche et notez avec une simple croix sur un papier les moments où vous avez des idées. Puis, la semaine d’après, refaites le même test, mais en doublant le temps passé à marcher. De jolies conséquences devraient apparaître.
La conception de votre “chemin de pensée” sur le modèle de Charles Darwin. Quel chemin pourriez-vous emprunter plusieurs fois par semaine pour simplement marcher et avoir des idées ?
Enfin, à côté de ces exercices, je vous propose une prise de conscience. Notre culture favorise terriblement la pensée convergente. Nous sommes de plus en plus sédentaires. Nous ne savons plus nous ennuyer, or cet ennui est nécessaire pour avoir des idées. Nous sommes par défaut tournés vers la pensée convergente.
Prenons quelques exemples :
Le monde professionnel valorise l’efficacité, la productivité et surtout la prévisibilité. Une entreprise commence l’année en faisant un budget et la pensée convergente nous rassure ici. Elle nous donne l’illusion qu’il y a toujours une bonne manière de faire pour atteindre nos objectifs.
Les technologies omniprésentes nous poussent aussi vers la pensée convergente. Avec Google Maps, on me propose systématiquement le meilleur itinéraire, un chemin optimisé et prédéterminé. Je vais vers ce qui est efficace plutôt que vers l’exploration ou la découverte. Je ne me perds plus.
Et enfin, le système éducatif traditionnel dans lequel on met le paquet sur la pensée convergente.
Nous sommes de plus en plus sédentaires
Cela fera l’objet d’un épisode dédié, mais prenons simplement l’exemple des enfants. Le temps passé assis sur une chaise dans les écoles, la diffusion massive des smartphones, des réseaux sociaux et des jeux-vidéos rend les enfants de plus en plus sédentaires. Un récent rapport du Haut Conseil de la Famille alerte même sur le phénomène des “enfants d’intérieur” qui ne sortent plus de chez eux.
“Depuis l’ère préindustrielle, un phénomène de « domestication » de l’enfance, au sens du retour et du maintien dans l’espace domestique qui les installe dans le cadre privé, s’étend, liée à la fois au développement de la scolarisation et de supports ludiques et de communication tels que les enfants se retirent progressivement des espaces publics.
La situation est alarmante tant pour la santé physique, la santé mentale et le développement des capacités cognitives des enfants. Et on peut faire l’hypothèse que la sédentarité tue à petit feu le mode de pensée divergente qui semble s’activer grâce au mouvement.
Il semble donc urgent de repenser l’éducation, et pour cela nous pouvons nous appuyer sur des exemples du passé !
Une école où les élèves marchent : c’est possible !
Dans l'école péripatéticienne, fondée par Aristote au IVe siècle av. J.-C., les élèves marchaient. Le terme "péripatéticien" vient du grec ancien (peripatêtikos), qui signifie littéralement "qui aime se promener". Aristote donnait ses cours en marchant dans les allées du Lycée d'Athènes, combinant ainsi activité physique et stimulation cognitive.
Est-ce qu’on peut s’arrêter deux minutes et se demander à quoi ressemblerait l’école aujourd’hui si on suivait ce modèle ? Est-ce qu’on parlerait autant des élèves hyperactifs et souffrant d’un déficit d’attention si l’environnement de nos écoles encourageait le mouvement ?
J’échange actuellement avec l’équipe de la forêt des Lucioles, une école dans la forêt, une école primaire où les enfants passent deux jours par semaine dehors. Cette école fait évaluer de façon indépendante les résultats de sa pédagogie via un partenariat avec des chercheurs des Universités de Lyon et Bordeaux afin d'évaluer la capacité de concentration (prédictive de la réussite scolaire) et la motivation à apprendre.
Le fondateur de cette école, Sébastien Henry, est un passionné de créativité qui a longtemps vécu en Chine. Là-bas, il a découvert le qi gong, la gymnastique traditionnelle chinoise et une pratique de la respiration fondée sur la connaissance et la maîtrise du souffle et qui associe mouvements lents, exercices respiratoires et concentration. Selon Sébastien, "en Occident, on a une approche très cognitive de la créativité. Pour moi, l’enjeu est plutôt de se mettre dans un état d’énergie créatrice, et cela passe par le mouvement".
Nous ne savons plus nous ennuyer
Et enfin, on ne peut pas finir cet épisode sans parler de la peur absolue de notre génération : l’ennui.
Hyper-stimulés par nos écrans, nous avons tous une peur viscérale de nous ennuyer. Posons-nous la question : c’était quand la dernière fois que nous n’avons rien fait ?
Nous avons du mal avec les temps d’attente sur notre ordinateur, nous avons du mal avec les files d’attente aux magasins, nous avons bien sûr du mal avec les transports qui prennent trop de temps.
Sauf que, pour arriver à un état où la pensée divergente s’active, il faut laisser à son cerveau l’opportunité de le faire. Autrement dit, laisser à son cerveau le luxe de s’ennuyer. Cela implique de repenser son rapport à la productivité, et diverses études sont extrêmement claires sur les liens entre ennui et créativité.
Celle-ci a montré que les personnes qui s'ennuyaient pendant une tâche monotone étaient ensuite plus créatives dans la résolution de problèmes. C'est comme si l'ennui avait réveillé leur imagination !
Je l’ai compris en lisant l’excellent livre On vous vole votre attention du journaliste et écrivain britannique Johann Harri. Ce livre a tellement changé mon rapport aux technologies, que j’ai décidé d’en devenir l’éditeur pour la version française.
C’est dans ce livre que j’ai découvert l’histoire improbable de Marcus Raichle, un étudiant souvent réprimandé parce qu’il rêvassait en classe, il n’était pas très concentré selon ses profs. Sauf que ce "défaut supposé" va devenir le cœur de sa carrière scientifique ! Devenu neuroscientifique, Raichle étudie ce qui se passe dans le cerveau pendant ces moments de rêverie. Sa découverte est révolutionnaire : quand on rêvasse, le cerveau n’est pas inactif. Au contraire : lorsqu’on rêvasse, le cerveau active des zones qui sont centrales à la créativité et la résolution de problèmes.
Comme l’écrit Austin Kleon, l’auteur du livre Steal like an artist, la créativité, ça n’a rien à voir avec créer quelque chose à partir de rien. C’est faire des connexions entre des choses qui existent déjà. On a besoin de ré-apprendre en urgence à laisser notre esprit vagabonder, pour qu’il s’engage dans un voyage mental dans le temps.
Cette autre étude suggère que l'ennui nous pousse à explorer de nouvelles idées plutôt que de nous contenter des solutions habituelles. C'est un peu comme si notre cerveau se disait "bon, puisque je m'ennuie, autant essayer quelque chose de nouveau !".
Et ça tombe bien : la marche est le meilleur moyen pour ré-apprendre l’ennui. Je l’ai découvert en commençant des randonnées sur plusieurs jours. Certes, les paysages sont magnifiques. Mais, à un moment, quand vous enchaînez des journées de 8 heures, à regarder vos pieds pour ne pas trébucher, un caillou reste un caillou ! Il y a toujours un moment où je m’ennuie, où je me demande quand ça va se terminer.
Sauf qu’à ce moment-là, je n’ai pas la possibilité de me stimuler artificiellement avec mon ordinateur par exemple. Je continue de marcher. Je continue de m’ennuyer, de m’ennuyer, de m’ennuyer… jusqu’au moment où cet ennui disparaît pour laisser la place à un autre rapport au temps.
J’adore ici la vision de l’explorateur norvégien Erling Kagge. Si vous ne le connaissez pas, Erling Kagge est la première personne à avoir réussi le « challenge des trois pôles » en atteignant le pôle Nord, le pôle Sud et le sommet du mont Everest.
Il nous dit :
“Un homme libre possède le temps. (…) Tant de choses dans nos vies se font à un rythme effréné. Marcher prend du temps. Aussi est-ce l’une des choses les plus radicales que vous puissiez faire. Là réside précisément le secret que partagent ceux qui marchent : Marcher démultiplie le temps.
Bien plus encore que nous donner nos meilleures idées, marcher va modifier notre rapport à la vie.
Conclusion
Merci pour votre attention !
Si vous avez aimé cet épisode, le meilleur cadeau possible est de la partager autour de vous. On est aussi preneurs de tous vos commentaires. Abonnez-vous pour être prévenu des prochains épisodes de cette newsletter.
Merci pour cet article ultra intéressant. Je pratique le coaching en marchant justement pour faciliter la pensée divergente des personnes que j’accompagne, les séances de visualisation que certains dirigeants ne parviennent pas à faire entre 4 murs… et quel kiff !
Merci pour cet article !
J’ai récemment lâché mon cabinet de consultation et propose de la walking thérapie à mes patients : c’est révolutionnaire !!!