La chaise tue : nos relations
La sédentarité crée l'isolement. Le mouvement permet les relations puissantes.
Résumé de cet épisode
La sédentarité nous coupe des autres, notamment à cause de l'omniprésence des écrans qui réduisent les interactions réelles.
11 millions de personnes souffrent de solitude en France, la fragilité relationnelle est réelle !
Les liens sociaux sont pourtant essentiels à notre santé, longévité et bonheur.
Bouger ensemble (via la marche, la danse, l’escalade, etc.) renforce la confiance, facilite les conversations, crée des souvenirs forts
Je vous partage enfin trois solutions pour développer vos relations via le mouvement.
L’épisode
Ces derniers mois, je suis revenu vivre à Paris. Auparavant, j’ai connu une parenthèse d’un an dans un petit village de 900 habitants au coeur du massif des Bauges. Là-bas, il s’est passé quelque chose de surprenant pour le Parisien de naissance que je suis : mes voisins sont venus me parler. Je n’avais pas l’habitude !
Plus surprenant encore, j’ai découvert, qu’en l’absence de cafés, on utilisait d’autres façons de faire connaissance, comme aller faire une balade ou carrément une randonnée. J’ai adoré cette expérience et je regrette souvent les liens tissés là-bas. Depuis mon retour à Paris, je redécouvre combien on peut se sentir seul dans les villes modernes, malgré un nombre de personnes au mètre carré très élevé. Je croise chaque jour des milliers de personnes sans qu’on s’adresse la parole et cela ne devrait pas être si banal..
Aujourd’hui, nous allons voir comment la sédentarité impacte notre vie sociale, découvrir pourquoi les liens humains sont essentiels à notre santé, et je vous donnerai 3 idées pour soigner vos relations par le mouvement.
La sédentarité crée l’isolement
Qui n’a jamais entendu ses grand-parents dire “à mon époque, on connaissait ses voisins ! on se parlait, on allait au marché ensemble, on se rendait des services, etc.”. C’est vrai, les choses ont changé. Selon une étude publiée par la Fondation de France, nous sommes dans l’hexagone 11 millions à souffrir de solitude. L'isolement relationnel est mesuré par l'absence ou la rareté des contacts avec 5 réseaux de sociabilité : famille, amis, voisins, collègues et associations.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Bien sûr, certains contextes aggravent l'isolement : l'enclavement géographique, la fracture numérique, la monoparentalité, l'expérience carcérale ou encore les addictions.
Mais en interrogeant des architectes, mais aussi des anthropologues, des sociologues et des spécialistes de l’économie de l’attention, nous avons également identifié trois coupables qui frappent (presque) partout.
1. La voiture
Avant l'ère automobile, les rues étaient des espaces de vie commune où les gens se déplaçaient à pied, favorisant naturellement les rencontres. Sur les images d'archives du début du 20ème siècle, on peut voir des piétons libres de leurs mouvements. Les enfants marchaient ensemble jusqu’à l’école le matin, les voisins se rencontraient naturellement dans la rue.
La voiture a réduit ces interactions spontanées et contribué à une forme de sédentarité sociale. Nous avons aimé le confort des voitures, nous nous sommes assis dedans et notre vie sociale s’est appauvrie. Dans notre voiture, on est certains de ne croiser personne.
L’étude de la Fondation de France souligne bien aussi comment l’enclavement géographique aggrave l'isolement. Il ne faut jamais arrêter de militer pour une meilleure répartition des transports en commun. Une zone mal desservie est une machine à créer de la sédentarité. Idem, les lieux publics comme les parcs et les marchés permettent aux personnes isolées de se déplacer, de "voir du monde" et de se sentir reliées à la société.
J’écris cet épisode depuis la ville de Valence en Espagne qui possède le Jardín del Turia, un impressionnant jardin aménagé dans l'ancien lit du fleuve Turia qui traverse la ville sur environ 9 km ! En me baladant dans ce jardin tout à l’heure, je voyais combien ces espaces verts urbains jouent un rôle contre la sédentarité et l’isolement social : ce sont des lieux de rencontre accessibles et gratuits, qui encouragent l’activité physique.
2. Les écrans
Ils nous donnent l’illusion d’une vie sociale. Nous avons remplacé les interactions réelles par des connexions virtuelles. On sait bien pourtant que la plus intense des conversations via un réseau social n’arrivera jamais à la cheville d’un moment partagé ensemble, dans un parc, autour d’un repas, etc. Le cas extrême de cette vie sociale appauvrie par les écrans, ce sont les hikikomori, qui sont environ 1-2 millions au Japon. Des personnes vivant en isolement total avec une consommation excessive d'écrans qui remplace tout contact humain réel.
3. Le cercle vicieux de la confiance sociale.
La sédentarité affecte également notre confiance sociale. Moins nous interagissons en personne, plus ces interactions deviennent sources d'anxiété. C'est un cercle vicieux : l'anxiété sociale nous pousse à éviter les rencontres, ce qui renforce notre isolement, augmente notre temps d'écran, et finalement aggrave l'anxiété. La sédentarité n'est donc pas seulement un problème de santé physique ou de santé mentale — c'est aussi une crise de connexion humaine.
Le mouvement permet les relations puissantes
Notre relation avec Victor Fersing, co-auteur de La Chaise Tue, en est l’exemple parfait ! Pendant plusieurs années, nous avons travaillé dans la même entreprise sans réellement créer de lien. On se croisait aux bureaux, on échangeait quelques mots, rien de plus.
Et puis, nous avons fait notre première randonnée ensemble. Une épopée sur 4 jours dans le Vercors, avec 20 kilomètres par jour, une belle bande de copains et une météo capricieuse.
De cette randonnée sont nées plusieurs amitiés, dont celle qui nous lie avec Victor. Sans ces quelques jours à avancer ensemble, nous ne serions pas en train d’écrire un livre aujourd’hui, j’en suis absolument certain !
Pour vous convaincre que le mouvement permet de créer des relations puissantes, je souhaite évoquer :
1. L’exemple d’Okinawa
Okinawa au Japon fait partie des régions du monde où les habitants vivent significativement plus longtemps et en meilleure santé que la moyenne. Là-bas, la vie sociale est riche. Les habitants pratiquent le "moai", une tradition où de petits groupes de personnes se réunissent régulièrement tout au long de leur vie pour se soutenir. Ces rencontres se font autour d'activités partagées en bougeant : jardinage, cuisine, promenades, danses traditionnelles.
2. Le souvenir des chasseurs-cueilleurs
La science s’interroge par ailleurs pour comprendre les liens entre mouvement et lien à l’autre. Des études en psychologie sociale suggèrent ainsi que se mouvoir en groupe peut renforcer les liens sociaux. La synchronisation des mouvements, comme marcher au même rythme, tendrait à augmenter la confiance entre les personnes. Comme à l’époque où on était tous chasseurs-cueilleurs…
3. Mon observation
À mon humble niveau, je remarque qu’un environnement changeant stimule la conversation. Je ne suis pas 100% à l’aise quand je rencontre quelqu’un assis dans un café… J’ai l’impression d’être enfermé. Je me sens plus à l’aise dans une balade, les paysages défilent, on est côte à côte, plutôt que face à face, et cela réduit la pression. Je pense aussi à certaines de mes amitiés les plus fortes, comme avec notre chère Anne Ghesquière, fondatrice du podcast Métamorphose, qui se sont construites à coup de randonnées !
3 idées
Pour finir, voici 3 idées pour créer de belles relations par le mouvement :
1. Créez votre "moai" à vous !
Inspirez-vous directement de la tradition d'Okinawa en créant votre propre groupe basé sur une activité en mouvement ! L'idée est simple : identifiez 3 à 5 personnes avec qui vous aimeriez approfondir vos liens, et proposez-leur de vous retrouver régulièrement autour d'une activité physique : une marche, un cours de danse, du jardinage, peu importe l’activité ! La clé ici, c’est toujours la régularité. Je vous recommande de caler un jour et une heure, pour que le rendez-vous devienne petit à petit un rituel immuable.
2. Rejoindre la bonne association
On a la chance en France d’avoir un réseau d’associations ultra développé. Pourquoi pas rejoindre un groupe de marche nordique ? Ou un jardin partagé ? Ou une école de cirque ? On sous-estime à quel point la dynamique peut être puissante dans ces associations qui ont l’habitude du lien social, de l’accueil des nouveaux, de l’intégration.
3. Réinventer la vie de famille
Nos traditions familiales déterminent en grande partie la qualité de nos liens. Malheureusement, beaucoup de ces traditions sont devenues sédentaires : regarder un film ensemble, partager un repas, etc. Pourquoi ne pas tout réinventer pour mettre du mouvement ? Remplacer le traditionnel repas du dimanche par une petite randonnée et un pic-nic par exemple. Pour les anniversaires, on peut aussi offrir des expériences actives plutôt que des objets : cours d'escalade, sortie en kayak, randonnée guidée...
Conclusion
Et vous, est-ce que les randonnées, la danse ou d’autres formes d’activité physique ont joué un rôle sur vos relations ? Je suis curieux de vous lire en commentaires..
Une collègue m’a proposé de courir avec elle. L’entraînement ensemble puis les courses auxquelles nous avons participé et toujours franchies la ligne d’arrivée main dans la main, nous ont permis de créer une belle amitié (de déjà 10 ans !).
Merci pour ces mots qui résonnent si justement.
Fraîchement rentrée de vacances en bivouac dans la nature bavaroise, le retour en ville, avec ses visages fermés, ses regards lointains et toutes ses activités centrées sur la consommation, m’a paru d’autant plus brutal et déconnecté du réel.
Juste avant de lire cette lettre, j’ai proposé à ma mère de remplacer un déjeuner au restaurant par une marche en forêt. Une belle synchronicité qui ne doit rien au hasard !